Conférence de M. Daniel Renard, membre correspondant
Ancien Carmel d’Abbeville - 36 rue des Capucins, le mercredi 6 mars, 14h30
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Le 3 août 881 à Saucourt-en-Vimeu en Picardie,Louis III de Francie occidentale, fils et successeur de Louis II le Bègue, remporte à la tête de son armée franque une victoire mémorable sur les Normands (qu’on nomme aussi Danois, Vikings, Suédois, Rus ou Varègues).
Entre le 3 août 881 et la mort du roi Louis III le 5 août 882, la littérature allemande s’enrichit d’un nouvel opus, le Ludwigslied, dans lequel un poète anonyme chante en vieux haut-allemand (en dialecte francique rhénan) les hauts faits du vainqueur de Saucourt.
Il est vraisemblable que le roi de Francie occidentale comprenne le germanique ; il en va certainement de même pour son entourage proche, mais ce n’est sûrement pas le cas pour la plupart de ses sujets et de ses soldats. C’est en tout cas ce que suggèrent les Serments de Strasbourg du 14 février 842.
Il n’existe qu’un manuscrit du Ludwigslied . Il se trouve actuellement à la bibliothèque municipale de Valenciennes et occupe quelques feuillets d’un recueil plus vaste dans lequel figure aussi la Cantilène de sainte Eulalie. M. Renard évoquera les tribulations du manuscrit.
Il explicitera également toutes les allusions historiques qui, dans les 59 vers que compte le Ludwigslied, sont données comme transparentes, mais qui de nos jours ne sont plus immédiatement intelligibles.
Cependant ni l’histoire du manuscrit, ni l’état de l’empire carolingien autour de l’an 880 ne sont véritablement son propos. Son ambition est de livrer modestement une contribution nouvelle à la discussion que Jacob Grimm déclenche dans le monde de la germanistique quand, après 1837, il s’interroge sur la genèse, la nature et la fonction du Ludwigslied et qu’il s’émerveille de sa beauté.
La forme poétique, la façon dont le vers entre en résonance avec l’idée qu’il véhicule, le message explicite, implicite et subliminal, c’est-à-dire la matière même du texte et son étude ordonnée permettent sans doute d’éclairer d’un jour neuf ce document vénérable.
La pertinence d’un objet littéraire ne peut s’appréhender en dehors du contexte culturel, du réseau organique qui le secrète et dont, pour une part, il assure ensuite l’équilibre. Pour ne pas solliciter trop longuement l’attention de son auditoire, ni non plus dénaturer la complexité du réel, M. Renard saura se contenter d’un repère de trois coordonnées afin de localiser le Ludwigslied sans ambiguïté. Ces trois jalons essentiels sont :
a) le Hildebrandslied, transmis par tradition orale depuis les grandes invasions,
b) le Heliand, une version épique en vieux saxon de l’harmonie des Évangiles, une commande passée ---vers 830 par l’empereur Louis le Pieux, et
c) le Livre des Évangiles de Otfried de Wissembourg, dédié à Louis le Germanique vers 870.
Le Ludwigslied se laisse identifier, mais comme un corps si singulier au firmament teutonique qu’il continue d’exciter les imaginations et qu’il invite d’autres que Grimm à tirer des plans sur la comète.
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